Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/12

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saint-gillois qui venaient stationner devant lui, rêvant de le bourrer de tabac de Latakié et de le fumer parmi des coussins, en évoquant les beautés d’un séraï de Constantinople.

Le fond de la vitrine de droite était occupé par un baricaut où, symétriquement disposées en ronds concentriques, luisaient les rolles, encore humides et comme vernissées de sauce, les rolles savoureuses, gloire de la Bonne Source.

Tout autour, des pipes communes s’offraient dans des compartiments formant une étoile à cinq branches : les pipes de Nimy, les humbles pipes avec lesquelles les ketjes font des bulles de savon ou que tettent le commissionnaire et le charretier ; les pipes Cambier ; les Jacob, à trente centimes, dont les têtes long-barbues, emmanchées à des tuyaux de merisier, s’avivent de touches d’émail ; puis de grosses bouffardes sans talon, à peine dégrossies, taillées en plein bois : des pipes pour hondendief, disait, méprisante, madame Flagothier ; puis encore des « imitations d’écume » en bonne craie d’Uccle-Calvoet, à embouchure de verre ou de celluloïd — et aussi de frêles pipes de Hollande, aux minces tuyaux tournés en spirale triple, cadeaux obligés aux clients, le jour du traditionnel lundi perdu.

C’était aussi la montre des cigares vulgaires : les