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CHAPITRE X


Inexplicablement, Julien alla mieux, les premiers jours de son installation, quai au Bois-à-Brûler, chez Mme Cécile. Moins d’oppression, moins de fièvre, moins de toux. Les nuits, plus paisibles, étaient visitées par des songes heureux.

Dans cette chambre de malade, où l’on respirait une odeur inexprimable, l’odeur de tous les remèdes vains que prennent les phtisiques : les narcotiques, la résine, l’éther, le thé de tilleul, l’eucalyptus, l’odeur, aussi, des draps mouillés de sueurs suspectes et séchés au feu vif, dans cette chambre de malade où les bruits s’étouffaient, où la lumière était tamisée, où la vie semblait hésitante et comme suspendue, Julien se sentait gai, faisait des projets, se chantait à lui-même les couplets de bravoure de l’Espérance.

Pendant des heures, embusqué derrière les épais rideaux, il observait les bateliers, regardait les vaart-kapoenen aux muscles d’athlètes décharger les chalands, courbés sous les sacs, marchant avec une indolence puissante et muette de bœufs puissants aux labours, puis, brusquement, se prenant de querelle autour d’une bouteille de genièvre, explosant en bourrades, en savoureuses injures.