Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/31

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gnation imbécile. Cette attitude excitait Rose, secouait sa verve, lui permettait un soulagement complet, salutaire et même bienfaisant. Elle n’aurait pu se passer d’Adla-Hitt ; elle l’aimait beaucoup ; pour rien au monde, elle n’eût voulu lui faire de la peine.

— Si vous m’entendez quelquefois un peu crier sur elle, vous devez pas faire attention, avait-elle dit à Charles : c’est une fille qui a besoin qu’on gueule un peu dessus de temps en temps ; sinon on saurait plus de chemin avec.

Souvent, quand elle avait fini, Odon prenait son violon et jouait un petit air pour dire que tout allait bien.

Le crépuscule tombait quand Charles referma le placard. Il s’accouda à l’une des fenêtres donnant sur la rue et, longuement, il regarda la chaussée aux pavés gras, aux trottoirs presque toujours humides, la chaussée par où, depuis des siècles, la Victuaille pénétrait dans la ville. Toujours elle avait dû être ainsi : jonchée de restes de légumes et de reliefs de fruits mûrs, parsemée de la paille et du foin des emballages, odorante du fumier des bêtes, des senteurs des viandes et des poissons, de l’arôme violent des végétaux bons à manger.

Deux « distilleries », dont le zinc était, matin et