Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/90

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canapés malpropres, se lamentent des amours difficiles, paralysés par les alcools…

Cette évocation tumultueuse fixait la physionomie d’André ; elle faisait à son image un fond de significatif et nécessaire ; Charles n’aurait pu se figurer André dans un bureau d’avocat, à la barre, dans un bal du monde : il fallait, autour de lui, pour qu’il fût « ressemblant », des filles, des rires, des querelles, des chansons, du vin, le tintamarre des soucoupes et des verres entrechoqués, des chapeaux à plumes, des danses, des étreintes, de l’argent remué, du fard — de la bohème dans de l’alcool.

Il réalisait bien ce type du « mauvais sujet » des romans populaires ; il prenait le temps comme il vient, raisonnait peu et ne concluait jamais ; il traversait la vie avec un sourire éternellement content, le chapeau sur l’oreille, la canne moulinante. Il était bon, faible et gai. Sa santé audacieuse de fêtard impénitent lui permettait de recommencer chaque matin les excès de la veille ; la bête, surmenée par la noce, ne renâclait pas, donnait chaque nuit plus qu’on ne pouvait lui demander, sans qu’aucun autre signe de fatigue parût qu’un commencement de bouffissure et de couperose aux joues, et avec le dénûdement du frontal.

Il avait à peine un « chez soi » ; il campait dans un