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Ier août. — Reçu ce matin une lettre de Tartarin. La suscription de l’enveloppe est d’une écriture ferme et posée ; quand Tartarin est devant une plume et un buvard, il est capable de réflexion.

Mon cher Commandant,

Il y a des choses que l’on ne fait pas, uniquement parce que l’on ne sait pas comment les faire. Si j’avais su comment quitter Mons, il y a longtemps que j’aurais effectué un départ qui apparaît — je m’en remets à vous, mon Commandant, qui êtes l’expression de l’opinion publique, — de plus en plus indispensable. M’en aller par le chemin de fer, ce serait par trop ordinaire ; à bicyclette, je n’irais pas jusqu’à Maubeuge avec le ventre que j’ai ; en trotinette, ce serait long ; en auto, les routes sont si mauvaises…

Alors ?…

Alors, j’ai été illuminé comme St. Paul sur le chemin de Damas en lisant ce matin le programme de la fête que l’Association des Commerçants organise sur la place pour le 22 août l’après-midi, l’aéronaute Toubeau doit faire une ascension en ballon libre…

C’est cela, mon Commandant, qu’il me faut ! Pareil au prophète Élie qui monta au ciel dans un char de feu, je quitterai Mons en disparaissant dans les nuées. Je m’en irai dans l’inconnu — car le ballon libre, mon Commandant, c’est l’inconnu : on ne sait si l’on couchera, à l’atterrissage, en Perse ou en Hollande, si l’on tombera sous la dent des cannibales ou dans la