Page:Garnir - Le Commandant Gardedieu, 1930.djvu/55

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Et le comble fut que le chasseur du Rubens, un enfant de gouttières, une arsouille à chandelles, cachiveux, avec des yeux de marcotte dans une tête de singe, pointa son index malpropre vers le télégramme et dit d’une voix assurée :

— Commandant, cette dépêche-là c’est moi qui ai été la porter ce matin au bureau télégraphique de la gare !

— Tu l’avais lue avant de la donner au guichet ?

— Oui, mon Commandant ; tous les chasseurs font ça.

Tout le café attendait la question qui s’imposait :

— Et qui est-ce qui t’avait remis le papier ?

Le sacré ropieur se rengorgea et prit son temps ; rien qu’à son air, je compris qu’il allait en lâcher une verte :

— C’est M. Tartarin ! dit-il.

Une huée, jaillie de toutes les poitrines, fit trembler les vitres du café.

Ah ! Tartarin ! Quelle fin ! La pépète et l’esquitte, il avait dû avoir les deux ! Fou de terreur, sentant chavirer son cœur de fanfaron à l’idée que ce jour d’apothéose serait son dernier jour, le pauvre homme, une fois passée la griserie du banquet, n’avait plus pensé qu’à se mettre à l’abri… Et allez donc, l’invention grotesque du télégramme !…