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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/102

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AUTOUR DU SOFA.

que ce pauvre Clément s’était embarqué sous les meilleurs auspices.

Malgré tout ce qu’il y avait de rassurant dans ces nouvelles, il fut convenu avec milord que nous attendrions pour en parler, que Mme de Courcy nous eût questionnés à cet égard, afin qu’elle pût choisir le moment où elle serait disposée à les entendre. Mais jamais elle ne proféra le nom de son fils. Elle causait des choses les plus indifférentes, s’informait avec un intérêt apparent de ce qui se passait dans le monde, cherchait à se rendre agréable, et ne trahissait pas la moindre inquiétude, la plus légère préoccupation au sujet du voyageur. Cependant, il y avait dans sa voix quelque chose de douloureux, et son regard allait sans cesse d’un objet à l’autre, comme si elle n’eût osé l’arrêter sur aucun.

Au bout de huit jours, nous reçûmes par le patron du lougre une lettre de Clément, qui avait débarqué sans obstacle sur les côtes de Normandie ; puis, les semaines s’écoulèrent sans nous apporter d’autres nouvelles. J’avais fait part à mon mari de l’heureuse arrivée de Clément, en présence de la marquise ; c’était convenu entre milord et moi. Mme de Courcy avait fait semblant de ne pas m’entendre ; mais je vis bientôt qu’elle s’étonnait de ce que je ne parlais plus de son fils, et je commençai à craindre que, son orgueil cédant à l’inquiétude, elle ne demandât les nouvelles que je n’avais pas à lui donner.

Un matin, à mon réveil, j’appris de ma femme de chambre que la marquise me faisait prier d’aller la voir aussitôt que je serais habillée. Je me doutais du motif de cette demande, et je tremblai tout le temps qu’on mit à faire ma toilette ; au lieu de m’encourager, milord déclarait franchement qu’il aimerait mieux recevoir une balle, que d’être obligé de dire à cette pauvre mère qu’on n’avait pas de nouvelles de son fils : « Et pourtant, ajouta-t-il,