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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/136

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AUTOUR DU SOFA.

Il souscrivit donc aux intentions de Morin, toutefois sans lui dire qu’il avait la certitude que Mlle de Courcy persisterait dans son refus. Cette espèce de marché avec un homme aussi bas, pour une chose d’aussi peu d’importance que la vie, est la seule action blâmable que l’on puisse trouver dans la conduite de Jacques.

Vous pensez bien que Virginie repoussa de toutes ses forces la chance de salut qui lui était proposée. Clément crut de son devoir d’insister auprès d’elle ; mais il le fit simplement par conscience, et ne chercha pas à la convaincre ; d’ailleurs il n’y serait point parvenu.

Le lendemain matin ils furent appelés à la barre ; le marquis était faible et souffrait horriblement de ses blessures. Virginie, calme et sereine, demanda pour toute faveur qu’on lui permît de rester auprès de son cousin, afin de pouvoir le soutenir dans le trajet qu’il leur restait à faire. Ils furent interrogés ensemble et condamnés tous deux. Quand l’arrêt de mort fut prononcé, Virginie se retourna vers Clément, et l’embrassa avec amour ; puis on les fit monter dans la fatale charrette pour les conduire à l’échafaud.

Jacques était libre ; il avait dit à Morin l’inutilité de ses efforts ; et, complètement absorbé par la vue de ses maîtres, qu’il suivait au lieu du supplice, il ne s’aperçut pas de l’effet que ses paroles avaient produit sur son compagnon. Il vit les deux jeunes gens monter sur la plate-forme et s’agenouiller à côté l’un de l’autre ; le bourreau s’approcha, Virginie parut lui demander quelque chose ; il répondit par un signe affirmatif, poussa Clément devant elle, et, selon sa promesse, fit tomber la tête du marquis la première. Il y eut alors un mouvement dans la foule, un homme se pressait d’arriver à l’échafaud ; mais Virginie, les yeux fixés sur la guillotine, fit