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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/190

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AUTOUR DU SOFA.

Milady ne pleurait pas, nous raconta mistress Medlicott, rendue plus communicative par le chagrin qu’elle éprouvait. Lady Ludlow était calme et silencieuse ; elle restait indifférente à toutes les choses de la terre, si ce n’est aux honneurs que l’on devait rendre à la mémoire du défunt, et ne semblait vivre que pour entourer de toutes les pompes imaginables les restes du dernier de sa race.

À cette époque, les courriers étaient peu rapides et les formalités d’une lenteur désespérante ; il en résulta que les obsèques de milord avaient eu lieu en Autriche, avant que les instructions de lady Ludlow fussent parvenues à Vienne. D’après mistress Medlicott, il avait été question de déterrer la dépouille du comte et de la faire revenir à Hanbury ; mais les exécuteurs testamentaires du défunt, ses parents du côté paternel, prétendirent que s’il était ramené en Angleterre, on devait le transporter à Monkshaven et l’inhumer avec les ancêtres de la famille Ludlow. Milady en fut profondément blessée, et retira sa demande avant que la discussion eût dégénéré en débat inconvenant. Ce fut un motif de plus pour que le deuil du village empruntât toutes les formes possibles, afin de réparer l’injure que l’héritier du comte avait faite à milady. Les cloches de la paroisse ne cessaient de faire entendre leur glas funèbre ; l’église était complètement tendue de noir, des écussons avaient été mis dans tous les endroits où il y avait eu moyen d’en placer ; chacun parlait à voix basse, et personne n’eut osé rappeler qu’après tout, la chair de l’homme, voire celle d’un comte, le dernier des Hanbury, avait la destinée de l’herbe des champs qui ne vit un jour que pour se faner et mourir.

Jusqu’à l’auberge du village qui avait fermé sa porte ; elle aurait clos ses volets, si elle en avait eu à ses fenêtres ; les habitués s’y introduisaient furtivement par la