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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/203

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LADY LUDLOW.

son arrivée, que nous étions tous fort curieux de le connaître.

Mais avant de vous décrire notre officier de marine ; il faut que je vous apprenne une chose qui n’est pas moins importante : croiriez-vous que lady Ludlow et Henry Gregsone étaient devenus bons amis ? C’était j’imagine, par respect pour la mémoire de M. Horner ; cependant cette supposition est toute gratuite, car Sa Seigneurie n’a jamais dit une parole qui pût le donner à penser. Toujours est-il qu’un soir lady Ludlow envoya prier le petit Gregsone de venir lui parler, si toutefois il était assez fort pour se rendre chez elle, et que le lendemain matin on introduisit le pauvre garçon dans la pièce où jadis nous l’avons vu dans une situation si fâcheuse.

Dès que milady aperçut le pauvre convalescent dont la figure était pâle, et qui se tenait debout appuyé sur sa béquille, elle ordonna au valet de chambre d’avancer un tabouret, et, d’une voix pleine de bonté, pria Henry de s’asseoir. Il est possible que la pâleur de son visage donnât au petit Gregsone plus de distinction qu’il n’en avait autrefois ; mais j’ai toujours pensé qu’il était susceptible de recevoir les bonnes impressions, et que les allures graves et dignes de l’ancien intendant, les manières calmes et douces de M. Gray l’avaient peu à peu transformé. Puis l’abattement causé par la souffrance physique, et la douleur que nous ressentons de la mort d’un être qui nous est cher produisent quelquefois, tout au moins pendant qu’on les éprouve, le même effet que l’éducation. Il est alors impossible d’élever la voix et de s’emporter ; nous n’avons plus pour les intérêts d’ici-bas cette ardeur qui éveille tous les côtés vulgaires de notre nature, et le sentiment d’un monde supérieur et invisible, vers lequel nous élève la pensée de l’être dont nous regrettons la perte, nous rend plus calmes, plus