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LADY LUDLOW.

tion : miss Galindo n’était pas changée le moins du monde ; si elle avait le nez un peu plus rouge qu’à l’ordinaire, c’était bien certainement parce qu’elle avait pleuré de joie en songeant qu’elle allait revoir sa chère lady Ludlow. Quant à miss Bessy, je savais qu’elle avait dix-huit ans : mais elle paraissait en avoir davantage. Elle était grande, avait les cheveux bruns, les yeux noirs, la taille souple et bien prise, une bonne figure à la fois intelligente et douce. Je n’en revenais pas de sa sérénité en face de milady, qui désapprouvait si fort son existence. Elle parut nous observer avec attention, parla très-peu, et regarda les gravures d’Hogarth, que milady lui avait présentées. J’avais cru follement que, dans une circonstance aussi imposante, elle aurait besoin de mon patronage ; mais elle se tenait près de la table, afin de mieux profiter de la lumière, et semblait si peu intimidée que j’étais la plus embarrassée des deux. Sa voix était harmonieuse et vibrante, et ses moindres paroles indiquaient un grand sens ; j’aimais surtout le regard attentif qu’elle arrêtait sur miss Galindo, comme pour lui prouver qu’elle était toujours prête à la servir, ce qui, au fond, n’avait rien que de naturel.

Au bout de quelques instants, milady lui demanda si elle voulait faire une partie d’échecs ; elle y consentit de bonne grâce et vint se placer en face de moi. Nous ne causâmes pas beaucoup ensemble ; malgré cela, nous nous sentîmes attirées l’une vers l’autre.

« Vous m’avez presque battue, dit-elle, moi qui connais le jeu depuis plusieurs années ; combien y a-t-il de temps que vous avez commencé à l’apprendre ?

— Six mois environ ; c’est vers la fin de novembre, par un jour brumeux et sombre, que M. Gray m’apporta le traité de Philidor. »

Pourquoi leva-t-elle tout à coup sur moi des yeux bril-