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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/237

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LADY LUDLOW.

sont pas encore ingérées de faire la pâte, comme elles se mêlent de filer et de tisser, empêchant ainsi les malheureux de gagner leur vie, et les faisant mourir avant l’âge. Vous conviendrez avec moi que c’est une invention de l’ennemi du genre humain ; je n’ose pas prononcer le nom du diable.

— Assurément, répliqua milady en hochant la tête.

— Mais faire le pain est une besogne salutaire et manuelle, et non pas l’œuvre d’une mécanique, Dieu merci ; continua la vieille fille. Je ne vois rien de plus opposé à l’esprit de l’Écriture que de faire faire l’ouvrage de l’homme par des machines, dont le front ne peut pas suer. Je tiens pour illégitimes tous ces états où le fer et le cuivre déchargent l’homme du travail qui lui a été imposé après sa chute, et ce n’est pas moi qui prendrais leur défense. Mais le cas est bien différent ; ce Brooke a pétri sa pâte et l’a fait lever lui-même ; il s’est trouvé des gens qui n’avaient pas de bons fours, ou qui peut-être ne savaient pas faire le pain et qui ont été trop heureux de rencontrer sa boutique ; de sorte qu’il a pu mettre de côté un argent bien acquis, s’enrichir et acheter une bonne ferme. J’ose affirmer que s’il avait pu naître duc et pair il n’y aurait pas manqué ; mais puisqu’en venant au monde, il devait faire du pain, on doit lui savoir gré de l’avoir bien réussi. Croyez-moi, c’est un malheur, et non sa faute, s’il n’est pas noble de naissance.

— Rien n’est plus vrai ; reprit lady Ludlow après un instant de silence. Mais quoique boulanger, il pourrait être orthodoxe ; vous avez beau dire, miss Galindo, vous ne me persuaderez jamais qu’il n’y a point là de sa faute.

— Que Votre Seigneurie me pardonne, répliqua la vieille fille encouragée par le succès qu’elle venait d’obtenir ; je ne vois même pas qu’il soit coupable à cet