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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/255

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UNE RACE MAUDITE.

que le lundi ; ce jour-là, tous les habitants de la ville restaient chez eux, de peur de se trouver en contact avec les réprouvés.

Chez les Basques on était encore plus sévère à l’égard de ces malheureux parias : il ne leur était pas permis d’avoir de bétail, si ce n’est un âne et un cochon ; ni l’un ni l’autre n’avait le droit de pâture, et si l’on octroyait au réprouvé la permission de couper l’herbe pour son baudet, c’est que l’oppresseur, qui avait sans cesse recours au travail du maudit, trouvait un bénéfice réel à ce que celui-ci pût se transporter aisément d’une place à l’autre avec son outillage.

Il va sans dire que les cagots ne pouvaient occuper aucun poste officiel, puisque l’État les frappait également d’anathème. C’est tout au plus si le clergé les acceptait pour ses ouailles, bien qu’ils fussent bons catholiques et remplissent avec zèle leurs devoirs religieux. Ils ne pouvaient entrer dans l’église que par une porte bâtarde, ouverte dans un endroit à part, et qui n’a jamais été franchie par un homme de race pure. Cette porte était basse, afin de les obliger à se courber en signe d’obéissance ; parfois elle était entourée de sculptures qui représentaient invariablement une branche de chêne, surmontée d’une colombe. Arrivés dans le temple du Seigneur, les cagots n’avaient pas la permission de tremper leurs doigts au bénitier commun, ni de prendre un morceau du pain bénit qu’on présentait à l’assistance. Ils avaient, très-loin des autres fidèles et près de la porte, une place réservée dont ils ne pouvaient dépasser les limites invisibles. Dans certains villages des Pyrénées, où l’on poussait la tolérance jusqu’à les faire participer au pain bénit, le bedeau restait en dehors de cette ligne imaginaire et leur présentait successivement les petits morceaux de pain consacré, au moyen d’une longue fourche de bois.