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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/317

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LA DESTINÉE DES GRIFFITH.

Nous devons tous mourir, un jour ou l’autre. Mais il faut qu’on l’enterre ; par bonheur il fait nuit. Je me demande si un petit voyage ne vous conviendrait pas ? Cela ferait beaucoup de bien à votre femme ; ensuite…, il en est d’autres qui sont sortis de chez eux pour n’y jamais rentrer. Le squire n’est pas au manoir, je suppose ? Très-bien ; cela fera du bruit, on cherchera, on s’étonnera, on jasera, puis on finira par se taire, et un beau jour le fils prendra possession de son héritage comme si de rien n’était. Soyez tranquille, vous reviendrez pour conduire Nest à Bodowen. Allons donc, enfant, ces bas-là ne valent rien ; cherche la paire que j’ai achetée dernièrement à la foire de Llanroust. Ne vous désolez pas, sir Owen, la chose est faite, on ne peut pas l’empêcher. C’est une besogne qui vous était commandée, à ce que l’on prétend, depuis l’époque des Tudors. Il le méritait bien d’ailleurs ; regardez l’enfant qui est dans ce berceau. Dites-moi seulement où il est, afin que je m’occupe de la seule chose qu’on puisse faire actuellement pour lui. »

Owen regardait fixement la flamme rutilante qui s’élevait du feu de tourbe, et n’écoutait pas ce que lui disait Pritchard.

« Il faut cependant en finir, » reprit Ellis avec impatience, au moment où la pauvre Nest apportait les habits qui lui avaient été demandés.

Owen resta immobile et silencieux.

« Qu’est-il arrivé, mon père ? s’écria la jeune femme avec effroi.

— Demande-lui toi-même, Nest, répliqua le pêcheur.

— Qu’est-ce que c’est ? dit-elle en s’agenouillant pour regarder son mari.

— Tu ne m’aimeras plus quand tu le sauras, Nest, répondit-il d’une voix sourde ; et cependant ce n’est pas ma faute.