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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/327

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Ma mère avait tout au plus dix-sept ans lorsqu’elle épousa M. Smith, qui en avait à peine vingt et un. Celui-ci cultivait dans le Cumberland, à peu de distance de la côte, un petit domaine qu’il avait affermé. Soit qu’il fût trop jeune et qu’il n’eût pas assez d’expérience en agriculture, soit tout autre motif que je ne saurais vous dire, il fit de mauvaises affaires, tomba malade, et mourut de la poitrine au bout de trois ans de mariage, laissant à sa veuve une petite fille qui marchait à peine, et la ferme sur les bras, avec un bail de quatre ans, un attirail en désarroi, pas d’argent pour remplacer les bestiaux qui étaient morts, ou qui avaient été vendus pour acquitter les dettes les plus pressantes ; enfin pas même de quoi acheter les provisions quotidiennes. Ajoutez à cela que ma mère était enceinte, et vous comprendrez combien elle avait sujet de se trouver malheureuse. Quel affreux hiver elle eût passé dans la ferme, sans voisinage à plusieurs milles à la ronde, si ma tante n’était pas venue partager sa solitude et se concerter avec elle pour faire durer, autant que possible, le peu d’argent qu’elles parvenaient à gagner.

Mais la jeune veuve n’avait pas encore épuisé la coupe