Aller au contenu

Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
32
AUTOUR DU SOFA.

tère. Puis M. Montford était pur jusqu’à la moelle des os ; il avait horreur des dissidents et des Français, et n’aurait pas pris une tasse de thé sans porter un toast à l’Église et au roi et sans maudire le Rump[1]. En outre, il avait eu l’honneur de prêcher devant la famille royale à Weymouth, le roi avait daigné applaudir son sermon d’un très-bien ! articulé deux fois, ce qui était la consécration d’un mérite dont, après cela, il n’était plus permis de douter,

Enfin, pendant tout l’hiver, M. Moniford venait passer au château les longues soirées des dimanches ; il nous faisait une instruction et jouait ensuite au piquet avec Sa Seigneurie. Lady Ludlow ne manquait jamais en pareille circonstance de le prier de souper avec elle ; mais comme son repas du soir se composait invariablement d’une tasse de lait et d’un peu de pain, M. Montford aimait beaucoup mieux partager notre volaille, déclarant que milady n’était qu’une hérétique, une pécheresse abominable qui faisait maigre le dimanche, jour fêté par l’Église. Nous écoutions cette plaisanterie pour la vingtième fois, en souriant comme la première ; nous avions même fini par en sourire d’avance, car elle était toujours précédée d’une petite toux nerveuse occasionnée par la crainte que cet excès d’audace ne déplût à milady ; et jamais cette dernière, non plus que le recteur, ne parut être frappée de la répétition de ce bon mot.

Un jour M. Montford mourut subitement, et nous laissa de vifs regrets. L’excellent homme léguait une certaine rente aux pauvres de la paroisse, afin qu’ils eussent à Noël un rosbif et un plumpudding, dont il donnait la recette dans le codicille de son testament.

  1. Portion du parlement qui conserva le pouvoir et s’en servit pour déposer Charles Ier.