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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/40

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AUTOUR DU SOFA.

notre bibliothèque ; je ne parle pas de la Bible que nous lisions tous les dimanches. Quant à moi, j’étais enchantée de quitter l’aiguille, et même de renoncer à ma lecture, pour aller dans le laboratoire préparer les conserves et les médicaments. Il n’y avait pas de médecin à quatre milles à la ronde, et, sous la direction de mistress Medlicott, nous inspirant des formules du docteur Buchan, nous expédiions chaque jour maintes et maintes potions qui, j’ose le dire, n’étaient pas moins bonnes que celles du pharmacien. Je ne crois pas en conscience qu’elles aient jamais fait de mal ; leur saveur était généralement très douce, et quand, par hasard, nous leur trouvions un peu plus de goût qu’à l’ordinaire, mistress Medlicott nous y faisait ajouter de la cochenille et une quantité d’eau suffisante pour n’avoir rien à craindre. Mais si nos fioles ne contenaient, en réalité, aucun élément actif, nous leur mettions une étiquette dont les paroles mystérieuses aidaient considérablement à leur efficacité. Que de petites bouteilles d’eau colorée en rouge, ne contenant d’autre matière médicale, que deux ou trois grains de sel, mais bien et dûment étiquetées, sont sorties de notre laboratoire à la grande reconnaissance des malades, qui leur devaient une guérison rapide ! Que de pilules de mie de pain, fabriquées dans l’origine avec l’intention pure et simple de nous exercer à manipuler, et dont les résultats n’ont pas été moins merveilleux ! Il est vrai qu’avant de donner la boîte où elles étaient contenues, mistress Medlicott avait soin d’expliquer l’effet qu’elles devaient produire sur le malade, effet qui ne manquait jamais d’arriver. Je me rappelle un vieillard qui n’aurait pas dormi s’il n’avait pris tous des soirs quatre ou cinq de nos pilules, et qui souffrait tellement lorsqu’il n’en avait plus, qu’il se croyait à sa dernière heure ; Je suppose que la médecine que nous faisions alors au moyen de cette