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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/56

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AUTOUR DU SOFA.

d’elle-même, et ce fut avec une bienveillance parfaite qu’elle dit à M. Gray :

« Je ne savais pas que vous fussiez ici ; mais je crois comprendre à quel propos vous y êtes venu, et cela me rappelle que j’ai à remplir un devoir auprès de M. Lathom. Je vous ai parlé en toute franchise, dit-elle au magistrat, oubliant qu’aujourd’hui même j’étais en désaccord avec M. Gray, précisément sur la question qui nous occupe. Je voyais alors toute cette affaire sous le même jour où vous l’envisagez ; il me semblait, comme à vous, que le pays n’avait qu’à gagner à l’emprisonnement de ce misérable Gregsone, qu’il fût coupable ou non du vol dont on l’accuse. Nous nous sommes quittés, M. Gray et moi, d’assez mauvaise humeur, ajouta-t-elle en saluant avec grâce le jeune ecclésiastique ; mais j’ai vu depuis la femme et l’intérieur de Gregsone ; j’ai senti que M. Gray avait raison, que c’était moi qui avais tort, et avec l’inconséquence proverbiale de mon sexe, je suis venue vous reprocher amèrement de soutenir l’opinion que je partageais il y a une heure. Monsieur Gray, poursuivit-elle en saluant de nouveau l’ecclésiastique, ces demoiselles vous seront très-reconnaissantes si vous voulez bien les accompagner au château. Et vous, monsieur Lathom, puis-je vous demander d’être assez bon pour venir avec moi jusqu’à la prison d’Henley ? »

M. Gray salua très-bas et devint pourpre. M. Lathom balbutia quelque chose que personne n’entendit et qui me fit l’effet d’être une protestation contre la démarche qui lui était imposée. Lady Ludlow ne parut pas même s’apercevoir de ses murmures ; elle prit l’attitude patiente d’une personne qui attend ce qu’elle est sûre d’obtenir, et, comme nous nous détournions pour prendre le chemin conduisant au château, nous vîmes M. Lathom qui montait dans le carrosse, de l’air d’un chien qu’on fouette. Je