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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/6

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AUTOUR DU SOFA.

Les soirées surtout me paraissaient horriblement tristes ; nous étions en automne, et chaque jour elles s’allongeaient davantage ; elles étaient pourtant déjà bien assez longues quand nous prîmes possession de notre vilain petit logement, tapissé de papiers gris et bruns. Ma famille n’était pas riche, nous étions beaucoup d’enfants ; les soins de M. Dawson, le traitement qu’il me faisait suivre devaient être fort coûteux, et il fallait apporter la plus stricte économie dans nos dépenses quotidiennes.

Mon père, trop véritable gentleman pour en éprouver une fausse honte, avait fait part de cette nécessité à M. Dawson, et celui-ci nous avait indiqué une maison de Cromerstreet, où finalement nous nous étions établies. Cette maison appartenait à un ancien professeur, qui préparait autrefois les jeunes gens pour l’université. Il n’avait plus de pensionnaires à l’époque où nous l’avons connu, et j’imagine que le prix de notre loyer formait, avec un petit nombre de leçons accidentelles, son principal moyen d’existence.

Notre propriétaire avait une fille qui lui servait de femme de charge, et un fils qui suivait probablement la carrière paternelle, bien que jamais on n’entendît parler de ses élèves. Une honnête petite Écossaise, trapue, carrée, aussi propre que laide, travaillant ferme et dur, et qui pouvait avoir de dix-huit à quarante ans, complétait le personnel de la maison.

Lorsque aujourd’hui, regardant en arrière, je me rappelle cette famille, je ne puis m’empêcher d’admirer la façon calme et digne dont elle supportait les rigueurs d’une pauvreté décente. Mais à l’époque où nous habitions les chambres garnies du vieux professeur, je critiquais avec amertume l’absence de goût qui avait présidé à notre ameublement. J’ignorais qu’à la ville une corbeille