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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/68

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AUTOUR DU SOFA.

Écosse ; milady avait à cœur d’acquitter cette dette avant de mourir, et de léguer à son fils, libre de tout engagement, l’héritage qu’elle avait reçu de ses pères. Ce désir exigeait, pour être accompli, beaucoup de soins et d’habileté administrative, et lady Ludlow faisait tous ses efforts pour répondre aux exigences d’une pareille situation. Elle avait un grand livre dont chaque page était divisée en trois parties ; dans la première colonne étaient inscrits les noms du tenancier qui lui adressait une lettre, ainsi que la date de cette lettre, qui demandait toujours quelque chose. La requête du brave homme était enveloppée de tant de circonlocutions, que d’après M. Horner, le régisseur, il était plus facile de trouver un grain de blé dans un tas de paille, que de découvrir le sens caché au milieu des excuses et des raisons qui fourmillaient dans ces lettres. Or le grain de froment, c’est-à-dire la réclamation du tenancier, perdue au milieu de toutes ces phrases, était déposée dans la seconde colonne du registre qui était placé chaque matin devant milady. Elle répondait quelquefois simplement oui ou non ; mais la plupart du temps elle demandait l’original, puis se faisait apporter les baux, les quittances, qu’elle examinait avec M. Horner, afin de voir si elle pouvait permettre de labourer tel ou tel pâturage, accorder tel ou tel délai, etc. Tous les jeudis elle recevait ses fermiers de quatre à six heures du soir, ou du moins ceux qui avaient à lui parler d’affaires. Elle aurait mieux aimé qu’ils vinssent le matin ; l’ancienne coutume voulait que cette réception, que milady appelait ses petits levers, eût lieu avant midi ; « mais ce serait leur faire perdre la journée, répondait-elle à M. Horner, quand ce dernier insistait pour qu’elle prît une heure qui lui convînt davantage ; figurez-vous quel désagrément pour eux, s’il leur fallait quitter leur besogne et faire leur toilette de manière à être prêts dans la matinée. » Car elle ne sup-