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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/92

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AUTOUR DU SOFA.

« Virginie ! » murmura-t-il.

Je compris tout et me rappelai que si Urian vivait encore, lui aussi pourrait être amoureux.

« La fille de votre oncle ? lui demandai-je.

— Oui, c’est ma cousine. »

Je n’avais pas dit « votre fiancée ; » mais j’en étais sûre, et pourtant je me trompais.

« Oh ! madame, poursuivit-il, sa mère est morte il y a longtemps ; elle n’a plus de père, et la voilà seule, abandonnée à tous les périls qui la menacent.

— Est-elle en prison ?

— Non ; elle est chez la veuve de l’ancien concierge de son père. Mais un jour ou l’autre, on fouillera la maison, et ce sera la mort non-seulement de Virginie, mais de la femme qui l’a cachée. Cette dernière ne l’ignore pas ; elle tremble sans cesse. Il n’en faut pas davantage pour la trahir, quand même elle serait assez honnête pour rester fidèle à sa maîtresse. Et comment Virginie pourrait-elle fuir, à présent qu’elle est seule ? »

Je devinai la lutte qui s’engageait dans son cœur ; il voulait courir auprès de celle qu’il aimait, et ne l’osait pas à cause de sa mère. Je n’aurais point empêché mon fils d’accomplir un pareil devoir, et je ne songeai pas à retenir le pauvre Clément. J’ai peut-être eu tort de ne pas lui montrer le danger auquel il s’exposait ; mais le péril était encore plus imminent pour elle ; à cette époque de la terreur, on n’épargnait personne, et la jeunesse ou les cheveux blancs ne préservaient pas les femmes du couteau de la guillotine.

J’entrai donc dans les vues de ce pauvre jeune homme ; je lui recommandai seulement d’agir avec toute la prudence nécessaire pour arriver à son but, ne doutant pas, comme je le disais tout à l’heure, que sa cousine ne fût sa fiancée.