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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/99

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LADY LUDLOW.

quand il m’apprit le résultat de sa démarche ; ne laissez pas Clément seul avec elle ; je suis persuadé qu’elle affaiblirait le courage de l’homme le plus intrépide ; elle est tellement superstitieuse ! » J’ai su plus tard qu’elle avait ébranlé chez milord cette corde du pressentiment, qu’il tenait de son origine écossaise.

Toutefois, mon mari ne s’arrêta pas à cette impression pénible, et nous nous occupâmes avec tant d’activité du voyage de Clément, que le soir même tout était prêt pour son départ.

La marquise n’avait voulu voir personne depuis l’entretien orageux qu’elle avait eu avec lord Ludlow ; elle nous avait fait dire qu’elle voulait se reposer ; mais il fallait que son fils allât lui faire ses adieux, et, pour empêcher que la séparation ne devînt trop émouvante, nous résolûmes d’assister, milord et moi, à cette pénible entrevue. Clément portait, comme habit de voyage, le costume d’un paysan de Normandie, que nous avions fini par trouver chez un émigré qui s’en était servi lui-même pour quitter les côtes de France. Le jeune marquis devait prendre un bateau pêcheur qui le conduirait dans les environs de Dieppe, où il changerait de déguisement. Nous avions si bien comploté cette affaire ! En voyant entrer son fils, revêtu de ce costume de paysan, la marquise fut singulièrement troublée ; je suppose que nous l’avions réveillée du profond sommeil où elle tombait toutes les fois qu’elle était seule, et que c’est à cela qu’il faut attribuer l’air égaré dont fut accueilli ce pauvre Clément.

« Partez, lui dit sa mère en le repoussant comme il se mettait à genoux pour lui baiser la main ; partez, Virginie vous appelle ; mais vous ne savez pas quel genre de couche elle vous prépare…

— Dépêchez-vous, madame, dit lord Ludlow en inter-