Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/123

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Le ministre les suivait de près, souriant et prenant une sorte de plaisir à voir les éléments se déchaîner ainsi, dès lors que, par un travail acharné, il avait pu engranger la presque totalité de ses foins. Deux ou trois fois, dans ce tumulte et cette confusion, je rencontrai Phillis, qui semblait se multiplier et partout se montrait au moment où elle pouvait se rendre le plus utile.

Le soir, en me couchant, j’étais presque rassuré : le mauvais pas se trouvait franchi sans trop d’encombre ; mais les jours suivants furent assez tristes, — pour moi, veux-je dire, — car les parents de Phillis, dans leur étonnante sécurité, ne s’apercevaient de rien, et tout au contraire, satisfaits de voir leurs récoltes de l’année s’annoncer sous de si heureux auspices, ne s’étaient jamais montrés plus calmes et plus joyeux.

Deux ou trois belles journées, succédant à celle dont je viens de parler, avaient permis de rentrer les foins. La pluie s’établit ensuite ; elle gonflait les épis déjà formés, et activait la croissance des regains sur les prairies à peine fauchées. Ces temps humides donnaient quelque répit au ministre ; il prenait ses vacances d’hiver pendant les gelées, et celles d’été durant les pluies qui succèdent généralement à la fenaison. On passait alors presque toute la journée dans la salle basse, portes et fenêtres ouvertes à la fraîcheur embaumée, au bruit monotone des gouttes d’eau crépitant sur le feuillage : belle occasion de somnolente béatitude pour des gens heureux, mais il y avait parmi nous deux cœurs malades, — un tout au moins, j’en puis répondre.

L’état de Phillis me tourmentait de plus en plus. Depuis cette journée d’orage, sa voix avait gardé pour mon oreille je ne sais quel accent particulier et contraint, une discordance pénible qui m’affectait malgré moi. Ses regards, autrefois si calmes, trahissaient une continuelle