Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/16

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plus intime, plus jaillissante. Une fois qu’elle l’a trouvée elle s’y complaît, s’y repose, s’abandonne au courant qui la porte. On a dit, et je le crois, que Cranford était la peinture fidèle de la petite ville où s’étaient passées son enfance et sa jeunesse. Il y a, en effet, jusque dans les moindres détails, cette fraîcheur d’impression qu’on a de quinze à vingt ans. On sent que l’auteur a connu ses personnages, a vécu avec eux, a pénétré dans leur vie, surpris leurs petites faiblesses, mais aussi leurs aimables vertus. La population de Cranford se compose presque exclusivement de femmes ; les vieilles filles y sont en majorité : au premier aspect, les physionomies, un peu ternes, n’offrent rien de saillant ; mais si l’on s’y arrête, si l’on étudie les traits candides de Miss Matty, que de trésors de bonté, de droiture n’y découvre-t-on pas ! on se prend d’affection pour cette nature sensitive et aimante qui, n’ayant pu épancher au dehors, faute d’occasions, le trop plein de son cœur, se retourne avec amour vers le passé, vers cette majestueuse Deborah, si fertile en ressources pour sauvegarder la dignité féminine, la femme forte de la maison, bel esprit un peu arriéré dont les oracles ont été recueillis par sa sœur cadette, trop heureuse de reconnaître, pour s’y soumettre, une supériorité quelconque, humble pâquerette auprès du lys superbe. Miss Matty n’a jamais dû être ni très-jolie, ni très-spirituelle, mais elle a toujours été parfaitement bonne et droite. Parmi ses touchants récits il faut noter « un Amour d’ancienne date ; — les Vieilles lettres ; — Pauvre Pierre ! » Ce dernier chapitre est un modèle de naturel, de sensibilité contenue. Cranford rappelle ces tableaux de l’École flamande qui