Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/160

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M. Ness, et que plus tard, insatiable de travail, il harcelait son professeur de mille et mille questions sur les thèses les plus ardues de la métaphysique légale. Ces fréquents tournois mettaient le maître et l’élève sur un certain pied d’égalité, mais ils n’en restaient pas moins très-différents l’un de l’autre : le premier demeurant un rêveur passablement indolent et dépourvu de toute ambition, tandis que le second demandait aux théories savantes, aux recherches de l’érudition, outre la satisfaction de ses appétits intellectuels, le relief et l’appui qu’elles pouvaient prêter à ses progrès dans le monde. Ellenor dînait habituellement de bonne heure, tête-à-tête avec miss Monro ; mais elle n’en présidait pas moins au repas du soir, quand M. Ness et M. Corbet venaient s’asseoir à la table de son père. Sa taille, ses traits à peine formés, la classaient encore parmi les enfants, dont elle avait aussi la simplicité ; mais elle était femme à certains égards, et par la force des affections et par l’énergie du caractère. Pendant que Ralph Corbet argumentait avec un zèle, une confiance juvénile, se rebellant contre les opinions reçues dont ses deux « anciens » volontiers se constituaient les champions, la jeune fille l’écoutait, attentive et silencieuse, se laissant parfois gagner par son enthousiasme, mais toute prête à s’irriter, si dans le feu du combat, il s’emportait à quelque attaque directe contre M. Wilkins. Pareilles provocations n’étaient jamais perdues, et M. Corbet ne les lui épargnait pas, car ces indignations enfantines, dont il avait pénétré le secret, l’amusaient au delà de tout.

Il la rencontrait presque tous les jours, à la même heure, et voici comment. Les deux amis achetaient le Times à frais communs, et M. Wilkins s’en étant réservé les prémices, Ellenor avait mission expresse de veiller à ce que le journal fût porté régulièrement au vicarage.