Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

siblement, sur cette nature peu résistante, une influence de plus en plus dominatrice. Chaque jour il laissait plus d’empire aux entraînements, aux distractions dont sa jeunesse n’avait pas été sevrée à temps. De ses penchants divers les moins nobles prenaient le dessus. Il achetait moins d’objets d’art, et payait ses chevaux beaucoup plus cher ; les satisfactions gastronomiques devenaient aussi plus importantes à ses yeux. Dans cette transformation graduelle, rien n’était assez excessif pour le mettre sur ses gardes et lui montrer un abîme se creusant sous ses pas. Au fait et au prendre, il ne faisait rien de plus ou de pis que ses pareils : seulement, en dehors des heures qu’il passait avec de joyeux compagnons, ceux-ci avaient une tâche à remplir et s’y consacraient tout entiers. Lourde ou légère, ils ne cherchaient point à éluder leur mission sociale, et, selon leurs lumières, la remplissaient dans l’intérêt commun, aussi bien le lieutenant de louveterie nettoyant les forêts de leurs animaux nuisibles, que le juge de paix réprimant le braconnage, ou M. Ness consultant un nouvel auteur classique. Wilkins seul, dégoûté de sa profession et renonçant à prendre sa part de la besogne commune, ne s’associait qu’aux plaisirs de ses voisins, nullement à leurs travaux, et, s’autorisant de cette supériorité intellectuelle qui donnait une valeur à ses loisirs, il l’énervait, il la diminuait par l’emploi toujours moins relevé de ces mêmes loisirs. Réduit, de plus, à se chercher sans cesse des excuses, il faussait peu à peu les inspirations d’une conscience importune. Par exemple, il se levait tard, et s’en prenait à M. Dunster de la physionomie effarée avec laquelle celui-ci lui annonçait que tel ou tel client des plus recommandables et des moins faits pour attendre, s’était retiré fort mécontent une heure après celle du rendez-vous convenu « Eh bien, que ne l’avez-vous reçu ? Vous savez aussi bien que moi ce qu’il y avait