Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/185

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dont on se sert en pareil cas, lorsque les questions d’argent, embrouillées avec les questions de cœur, mettent un homme, épris et positif tout à la fois, dans le plus cruel embarras du monde.

Avant de répondre à son prétendu, Ellenor eût voulu prendre langue auprès de son père. Le cœur lui manqua lorsqu’elle s’aperçut que ce dernier évitait à dessein d’aborder le sujet de leur commune préoccupation. N’était-elle pas blâmable de songer le quitter ? Fallait-il qu’elle se fît la complice d’un dessein qui causait de si graves soucis à ce père idolâtré ? Placée, comme tant d’autres, entre deux passions exclusives et jalouses, elle devait, comme tant, d’autres, souffrir de leurs prétentions contradictoires, en cela d’autant plus à plaindre que les confidents ordinaires de ses pensées ingénues étaient précisément ce père, ce fiancé à qui, dans les circonstances présentes, elle n’osait ouvrir son cœur, redoutant de les animer l’un contre l’autre. Minée par une anxiété toujours croissante, on la vit en quelques jours s’attrister et pâlir. À deux ou trois reprises différentes, il lui sembla que M. Wilkins, fortement touché de sa tristesse, allait enfin s’expliquer. Mais, levant alors les yeux sur lui, elle l’arrêtait court par ce regard où se peignait une curiosité qu’il ne pouvait encore satisfaire, et au lieu des paroles attendues, espérées, il fallait se contenter de quelques futiles commentaires sur la chronique du moment.

Étonné du silence que l’attorney et sa fille gardaient vis-vis de lui, M. Corbet renouvela ses instances, et cette fois, leur donna caractère d’une proposition formelle. Une somme, dont le chiffre restait à déterminer, serait avancée par M. Wilkins et employée, sous le contrôle de fidéi-commissaires spéciaux (trustees est leur nom légal), aux améliorations du domaine de Bromley, dont