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Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/248

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Elle quitta ses genoux, qu’elle tenait encore embrassés, pour se voiler la figure. Sur son pauvre cœur il semblait que chacun voulût frapper à son tour. L’attorney, après un moment de réflexion, parut néanmoins se rendre à de meilleurs sentiments.

« Ellenor, reprit-il, pardonnez-moi… Je ne réponds plus maintenant de mes paroles… Il faut m’excuser… Il faut avoir plus d’indulgence que lui… Il savait pourtant, il voyait bien que je n’étais plus maître de moi… L’ivresse a-t-elle cessé d’atténuer certaines irritations ?

— L’ivresse !… Expliquez-vous, mon père ?… L’ivresse, m’avez-vous dit ? »

Elle le regardait, tête levée maintenant, avec une indicible surprise.

« Qu’ai-je besoin de m’expliquer ?… Ne devinez-vous pas que l’ivresse, pour moi, c’est l’oubli ?

— Le malheur nous accable donc, s’écria Ellenor,… et Dieu nous a retiré sa protection…

— Chut, mon enfant !… Votre mère a toujours prié pour que la religion ne vous manquât jamais… Pauvre Lettice !… Elle a bien fait de mourir. »

Il se mit alors à pleurer comme un enfant, et, comme elle aurait consolé un enfant, avec des mots, des baisers maternels, sa fille essaya de le consoler. Il se reprit à la presser de questions. Sans se lasser, il l’interrogeait sur ce qu’elle avait pu dire, laisser entendre, faire soupçonner. Elle lui répéta, pour ainsi dire mot à mot, les brefs entretiens qu’ils avaient eus, elle et son fiancé, au sujet de la nuit mystérieuse. Quand cette espèce d’enquête fut terminée, Wilkins reprit la lettre de Ralph et la lut de nouveau, pesant chaque phrase avec une profonde attention : « Nelly, dit-il enfin, ce jeune homme a raison : — il n’est pas digne de toi, car tu n’aurais pas reculé, comme lui, devant la pensée d’une disgrâce fu-