Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/272

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maintenant elle avait l’esprit demeuré, la réserve silencieuse d’une femme hors d’âge. Seule la douceur de son organe et de son sourire la signalaient à l’affection des jeunes gens et à celle des vieillards qui, généralement, après l’avoir trouvée un peu « terne, » se laissaient gagner par le charme dont elle était douée, la sympathie cordiale qui la mettait de moitié dans leurs joies et dans leurs chagrins. À partir du mariage de M. Corbet, elle prit, pour ainsi dire, possession d’un calme qu’elle ne connaissait plus depuis bien des années ; elle cessa de se compter, sevrée désormais de toute personnalité, de tout égoïsme, et sa vie, encore épurée, prit comme un parfum de sainteté, de béatifique abnégation. Le vieux chanoine Holdsworth — qui, par parenthèse, était légèrement suspect de philosophie sceptique, — se raillant de l’assiduité d’Ellenor à ses devoirs religieux, de son zèle pour l’enseignement des pauvres et toutes sortes de bonnes œuvres, l’appelait volontiers : ma Révérende… Sarcasme clérical qui contrariait miss Monro, mais qui amenait un tranquille sourire sur les lèvres de sa compagne. Parfois leur dissentiment portait sur d’autres objets. Miss Monro ne s’accommodait pas de la mise sévère à laquelle miss Wilkins semblait s’être condamnée : « On peut être parfait, lui disait-elle et porter autre chose que du noir et du gris. Cela vous vieillit, et je me tue à persuader les gens que vous n’avez pas plus de trente-quatre ans. Encore ne veulent-ils pas toujours me croire… » Mais Ellenor souriait de plus belle.

Le chanoine en question vint à mourir, et l’Enclos, derechef, se perdit en calculs et en conjectures sur le successeur qu’on allait donner au défunt. On apprit bientôt que le choix des autorités compétentes était tombé sur un ecclésiastique de mérite, un laborieux ouvrier de la vigne du Seigneur, appartenant à un district éloigné du dio-