Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/289

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saisissant le bras par un mouvement tout à fait en désaccord avec sa réserve habituelle.

— Eh bien,… poursuivit-il avec une évidente hésitation,… cet homme est sous les verrous, comme soupçonné de simple homicide, ou d’assassinat, je ne sais trop… »

Ces derniers mots à peine sortis de ses lèvres, il sentit Ellenor s’abaisser sur le bras dont elle s’était saisie l’instant d’avant…

Quand elle reprit ses sens, elle se trouva sur son lit, à moitié déshabillée. Ses amies l’entouraient et lui faisaient avaler quelques cuillerées de thé. Mistress Forbes, qui l’entendit exprimer, d’une voix fiévreuse, la volonté de se lever et de partir sans retard, lui prescrivit au contraire de rester couchée. D’ailleurs, au premier mouvement qu’elle fit pour quitter son lit, la jeune malade put se convaincre qu’une pareille entreprise était au-dessus de ses forces. « Au moins, s’écria-t-elle avec angoisse, au moins donnez-moi mes lettres !… Qu’on me laisse seule. Je désire ensuite m’entretenir avec M. Livingstone. Au nom du ciel, retenez-le jusque-là !… »

On disposa, selon ses désirs, plusieurs bougies autour d’elle et, sans témoins, malgré une sorte d’étourdissement qui semblait de temps à autre paralyser ses facultés pensantes, elle s’efforça de lire et de comprendre.

Évidemment, il y avait des lacunes dans sa correspondance avec l’Angleterre. Quelques lettres avaient été remises à un voyageur dont la traversée avait sans doute subi quelques retards et qui n’était pas encore arrivé à Rome. D’autres, confiées à la poste, n’avaient point franchi, dans les délais ordinaires, une route encombrée par les neiges. Ceci n’arrivait que trop souvent, à cette époque où le nouveau chemin de fer français n’était pas encore complet, et où la malle de Lyon à Marseille fonctionnait, par le gros temps, avec une