Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/316

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net où le juge achevait sa toilette. « Miss Jenkins, cria-t-il, demande à voir monsieur.

— Comment dites-vous ?

— Miss Jenkins… Elle assure que son nom vous est connu.

— Pas le moins du monde : faites attendre. »

Ellenor attendit donc, et pendant qu’elle attendait, une robe de soie, balayant à grand bruit l’escalier, annonça lady Corbet qui descendait avec une majestueuse lenteur, portant sur le bras un bel enfant, et suivie à six marches de distance par une bonne, non moins digne, non moins grave qu’elle. Il parut déplaisant à cette altière personne que l’on se permît de venir ainsi disputer à son mari les rares moments de loisir qu’il pouvait accorder aux douceurs de la vie domestique, et son humeur d’enfant gâtée, sa hauteur impérieuse ne lui inspirèrent aucune parole obligeante, — pas même le plus simple mouvement de politesse, — envers cette douce créature, épuisée de fatigues et d’angoisses, qui attendait patiemment quelques minutes d’audience. Elle passa au contraire, la toisant de haut en bas, tandis qu’Ellenor sous le regard superbe de ces grands yeux noirs baissait humblement le sien. Le cortége domestique disparut ensuite dans la vaste salle à manger où les apprêts du déjeuner se faisaient encore entendre.

Le juge ne pouvait maintenant tarder beaucoup. Ellenor, par un mouvement instinctif, baissa son voile. Elle entendit, elle reconnut de reste, l’allure vive et saccadée de l’homme qu’elle était venue chercher.

À peine son rapide et subtil regard s’était-il porté sur la personne assise dans son antichambre, qu’en dépit du voile, en dépit du costume de voyage, il la reconnut sur-le-champ. « Donnez-vous la peine d’entrer ici, » lui dit-il aussitôt, en ouvrant pour elle la porte de