partiez… non pas cependant sans avoir pris quelque chose. »
Phillis, munie de quelques instructions données à voix basse, alla chercher les rafraîchissements qu’on voulait m’offrir.
« Ma cousine, n’est-il pas vrai ? demandai-je quand elle fut sortie, car j’avais grand besoin de parler d’elle.
— Oui, Phillis Holman, aujourd’hui notre unique enfant, répondit sa mère avec un accent auquel on ne pouvait se méprendre. — Je venais d’évoquer, sans le savoir, un funèbre souvenir.
— Quel âge a-t-elle ? repris-je aussitôt.
— Dix-sept ans depuis le 1er mai dernier.
— Moi, j’en aurai dix-neuf le mois qui vient, » ajoutai-je sans trop savoir pourquoi.
Phillis rentrait au même moment avec le gâteau et le vin traditionnels, le tout sur un plateau de faïence.
« Nous avons une domestique, fit observer la chère tante ; mais c’est aujourd’hui qu’on fait le beurre… »
Évidemment elle tenait à ménager l’amour-propre de sa fille, appelée à remplir un devoir servile.
« Vous savez, mère, que j’aime à prendre ce soin, » répondit celle-ci avec sa voix pleine et grave.
Cette scène me ramenait vers les temps bibliques. Je pouvais me croire l’intendant d’Abraham, près de la source où Rebecca vint si à propos le désaltérer. Je suis bien sûr, maintenant, que Phillis n’avait aucune préoccupation de ce genre. Ainsi que le voulait le cérémonial, je bus successivement à la santé de tous les membres de la famille, et quand je nommai ma jeune cousine, je hasardai de la saluer ; mais j’étais trop emprunté pour regarder du même trait comment elle prenait cette politesse.
« À présent, continuai-je, il faut m’en aller. »