Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/5

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la domination de soi et la chaste réserve qu’elle impose, ont présidé à toute l’existence publique et privée de Mrs Gaskell. Son style flexible se prête, comme sa belle organisation, à exprimer des sentiments variés. Une sensibilité vive s’allie chez elle à l’humour, cette gaieté anglaise qui naît de l’observation des contrastes et en tire des effets plaisants ; innocente moquerie exempte d’amertume, qui ne s’attaque qu’à de petits travers, et ne blesse pas ceux qu’elle atteint. Son extrême finesse de touches, si remarquable dans les détails, ne fait que mieux ressortir la fermeté du trait. Quand la justice est en cause, elle a pour la défendre de courageux accents. Elle ne pactise pas avec le vice ; elle ne s’applique jamais à le farder, à lui donner un faux air de grandeur ; si elle l’aborde, ce qu’elle fait rarement, elle le montre abject, tel qu’il est en réalité ; mais elle ne confond pas l’erreur avec le crime. Elle a pour la brebis égarée la compassion du Christ, et sa foi religieuse est tout l’opposé du rigorisme puritain. Sa moralité ne se modèle pas non plus sur celle qui a cours dans le monde : souvent elle abaisse ce qu’il exalte, et relève ce qu’il humilie. D’excellentes traductions de ses principaux romans, ont popularisé en France son talent et son nom.

Née le 29 septembre 1810, à Chelsea, près de Londres, Élisabeth Cleghorn Stephenson, fille d’un pasteur de l’Église anglicane, perdit sa mère peu après sa naissance, et fut adoptée par une tante, qui habitait Knutsford, petite ville du comté de Chester. Enlevée aux brumes de la Tamise, l’enfant grandit dans un pays pittoresque et sain, entourée des soins affectueux d’une