Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/50

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connaître. Vous avez une bonne tête, enfant, n’importe d’où elle vous vienne.

— Elle me vient de mon père, répondis-je fièrement. Vous devez connaître son propulseur… La gazette en a parlé. Nous avons le brevet… Se peut-il que personne ignore l’existence du fameux rouage-Manning ?

— Sauriez-vous me dire, mon garçon, le nom de celui qui inventa l’alphabet ? répliqua mon hôte en replaçant sa pipe entre ses lèvres à demi souriantes.

— Ma foi non, répondis-je, mais ceci remonte un peu à loin.

Trois bouffées de pipe avant que l’entretien continuât, il me parut que mon interlocuteur s’amusait de ma vanité filiale.

« Votre père doit être un homme notable, reprit-il enfin. J’ai, en effet, quelque idée de l’avoir entendu nommer, et il est rare qu’une réputation quelconque, si elle ne s’est pas faite dans un rayon de cinquante milles, parvienne jusqu’à Heathbridge.

— Il a bien le droit de prendre en main la cause de son père, » fit observer la tante Holman comme pour m’excuser.

Ceci m’impatienta plus que tout le reste. Mon père se défendait bien tout seul, à mon avis. J’allais exprimer cette pensée quand le ministre, avec une parfaite placidité :

« Sans doute, sans doute, dit-il posément, on a toujours raison quand on obéit à l’inspiration du cœur. Je crois d’ailleurs, en fait, que l’enfant a raison… Tiens, ajouta-t-il, je voudrais connaître ton père. »

Ceci m’était dit avec toute la franchise d’une affectueuse familiarité ; mais j’étais encore froissé, je n’y pris pas garde. Le ministre, qui venait d’achever sa pipe, sortit à l’instant même, et Phillis presque aussitôt le sui-