Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/56

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vanche, les petits veaux au mufle humide mangèrent dans nos mains, et Daisy, la vache malade, reçut d’un air digne les caresses que nous lui prodiguions. Nous allâmes ensuite au pâturage admirer le reste du troupeau, et nous ne revînmes que pour dîner, affamés, crottés à plaisir, ayant tout à fait oublié l’existence des langues mortes, — par conséquent les meilleurs amis du monde.


VI


La mère et la fille s’étaient mises au travail. Sur la requête de ma tante, je leur lisais tout haut la feuille hebdomadaire du comté. Mon attention était, j’en conviens, ailleurs qu’à cette lecture insipide. Je songeais à la teinte dorée des cheveux de Phillis, éclairés sur sa nuque par un favorable rayon de soleil, — au silence qui emplissait la maison et que le tic-tac monotone de la vieille horloge interrompait seul, — aux exclamations inarticulées par lesquelles mistress Holman témoignait ou de son étonnement, ou de sa sympathie, ou de son horreur, selon la nature des récits que je lui débitais avec la plus entière indifférence.

Le chat ronronnait, ramassé sur lui-même, au coin de la natte placée devant l’âtre, et, comme absorbé dans la monotonie de ma propre voix, je perdais peu à peu la notion de l’espace et du temps. Il me semblait que j’avais toujours vécu, que je vivrais toujours comme en ce moment, lisant tout haut dans cette grande pièce pleine de calme et de soleil.

Betty parut enfin sur le seuil de la cuisine, et du doigt appela Phillis, qui, repliant son ouvrage, sortit immédia-