Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/83

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temps-là, tout à côté de la tante Holman assoupie sur son tricot, Holdsworth donnait à Phillis une leçon d’italien.

« Oui, très-décidément il me plaît, s’écria le ministre, à qui je parlais de son nouvel hôte. J’espère que cette sympathie n’a rien de blâmable, mais je me sens pris, en quelque sorte malgré moi. Et j’ai crainte par moments de me laisser entraîner au delà de ce qui est justice.

— En bonne vérité, répliquai-je, c’est un homme de mérite et un brave garçon. Mon père l’a jugé favorablement, et moi-même à présent je crois le connaître. Je ne l’aurais pas volontiers conduit ici sans la certitude où j’étais qu’il serait goûté par vous.

— Oui, reprit le ministre, cette fois avec une hésitation moins accentuée, il me plaît, et je lui crois de la droiture… Ses propos ne sont pas toujours assez sérieux, assez réfléchis, mais, en revanche, comme il est curieux à entendre ! Il ressuscite, en quelque façon, Horace et Virgile par tous les récits de son séjour au pays qu’ils habitèrent, et où maintenant encore, à ce qu’il prétend… Mais non, tout ceci vous grise. Je l’écoute, je l’écoute jusqu’à me laisser distraire de mes devoirs… Il me fait perdre pied. Tenez, pas plus tard que samedi soir, nous sommes restés jusqu’à minuit (un jour de sabbat !) à l’écouter parler de mille sujets profanes, bien étrangers aux préoccupations d’une pareille soirée. »

Nous arrivions, et la causerie n’alla pas plus loin ; mais, avant que l’heure fût venue de nous séparer, j’avais constaté que cette « prise » dont le ministre se plaignait, Holdsworth l’avait, à son insu et sans préméditation quelconque, sur toute la famille.

Quoi de plus naturel ? Il avait tant vu, tant fait, en comparaison de ces bonnes gens ! Ce qu’il avait vu, ce qu’il avait fait, il le racontait avec tant d’aisance et de simpli-