Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/98

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nante. Au surplus, ne craignez pas que je vous oublie. Ce travail-ci ne saurait me prendre plus de deux ans, et peut-être, par la suite, nous retrouverons-nous attelés à la même besogne. »

Peut-être !… C’était peu probable, et je ne l’espérais guère. Les jours heureux ne reviennent pas ainsi. N’importe, je l’aidais de mon mieux à se préparer. Dans sa caisse, bourrée outre mesure, que n’entassions-nous pas : habits, papiers divers, livres, instruments, tout cela pêle-mêle ! Puis je courus demander la locomotive. Ceci fait, comme je devais conduire mon ami à Eltham, nous demeurâmes assis l’un en face de l’autre pendant les quelques minutes que nous avions gagnées par ce surcroît d’activité.

Holdsworth tenait à la main le petit bouquet qu’il avait rapporté de Hope-Farm, et qu’en entrant il avait déposé sur la cheminée. Il le respirait, il l’effleurait de ses lèvres.

« Ce que je regrette, me dit-il, c’est de n’avoir pas su… de n’avoir pas fait mes adieux à… à ces braves gens. »

Il parlait sérieusement, cette fois, et la séparation imminente projetait une ombre sur sa pensée.

« Je me charge de leur exprimer vos regrets, lui dis-je à mon tour, et je suis certain qu’ils seront partagés. »

Ici quelques instants de silence.

« Comme on change vite d’idées ! reprit-il, se laissant aller à penser tout haut. Ce matin même, Paul, je n’étais occupé que d’une espérance. À propos, avez-vous soigneusement emballé ce dessin ?…

— Un profil de femme, n’est-il pas vrai ? lui demandai-je discrètement ; — mais je savais fort bien qu’il s’agissait d’un portrait de Phillis, portrait assez mal venu pour qu’il n’eût voulu ni le colorier, ni même l’ombrer, et qui était resté à l’état de simple esquisse parmi ses croquis de rebut.