Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/112

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sortir et reconnaissant en lui le convive de la veille, Charley Kinraid vint lui offrir une poignée de main, il ne put l’accepter sans un mouvement d’hésitation bien marquée, ce qui provoqua de la part du jeune marin un coup d’œil scrutateur dont Philip se trouva légèrement embarrassé. Aussi fut-il ravi de se voir interpellé dans ce moment même par Molly Brunton, qui lui demandait pourquoi il était parti de si bonne heure. — La fête s’était prolongée, lui dit-elle, pendant quatre heures encore, et son cousin Charley avait fini par danser une hornpipe au milieu des assiettes éparpillées à terre.

Philip savait à peine que lui répondre, tant il se sentait le cœur allégé par l’idée de ce pas-seul. Maintenant il aurait bien volontiers tendu la main à Kinraid, car il lui semblait parfaitement impossible qu’aimant Sylvia comme il l’aimait lui-même, on pût se supporter pendant quatre mortelles heures dans une société qu’elle venait de quitter ; bien moins encore danser une gigue quelconque, soit de gaieté de cœur, soit même par pure complaisance. Il sentait que les regrets donnés à l’absente auraient appesanti ses jambes aussi bien que son humeur ; et il avait la naïveté de croire que tous les hommes lui ressemblaient.

XIV

AFFAIRES DE COMMERCE.

Plus Philip se sentait rassuré à l’égard de Sylvia, moins il éprouvait le besoin de la revoir dès le soir même, et d’ailleurs son ambition de négociant ne lui permettait guère de se refuser à l’appel de ses patrons.