Sur cette révélation des choses passées, Phiļip, malgré lui, devint songeur. Il retrouvait une situation identique à la sienne. Sylvia, comme jadis Alice, avait pu opter entre deux prétendants. Comme Alice, elle avait choisi celui qui devait inévitablement la rendre malheureuse, si le hasard ne s’était interposé pour la séparer de lui. — Les choses humaines, se demandait-il, tournent-elles donc toujours dans le même cercle fatal ?… Et quand nous ne serons plus là, une autre Sylvia, un autre Charley, un autre Philip joueront-ils les mêmes rôles que leurs devanciers ?
En somme, plus il y songeait, plus il se félicitait d’avoir tu à sa cousine ce qui pouvait lui laisser une désastreuse espérance.
Les arrangements adoptés en définitive furent que Philip irait occuper la vieille maison, tandis que Coulson resterait auprès d’Alice. Dans le courant de l’été, ce dernier vint dire à son nouvel associé qu’il avait demandé la main d’Hester, et que, la veille même, il avait été catégoriquement refusé :
« Je voudrais, ajouta Coulson, je voudrais, par votre entremise, savoir ce qu’elle peut objecter contre moi… Elle ne devait pas ignorer mes sentiments, et sauf un peu de réserve, bien naturelle vu nos rapports quotidiens, elle ne m’avait en rien laissé deviner qu’ils lui fussent désagréables. Les convenances d’âge, ses relations déjà établies dans ma parenté, la déférence filiale que j’ai pour sa mère, tout semblait en ma faveur… Dois-je donc penser qu’il y a quelque chose entre elle et vous ?
— Une fois pour toutes, répliqua aussitôt Philip, défaites-vous de cette idée ; ne voyez en moi que son frère ; en elle, ne voyez que ma sœur… C’est la dernière fois que je vous le dis, elle ne pense pas plus à moi, sous certains rapports, que moi-même je ne pense à elle.