au secours ! au secours ! » Ainsi donc le tocsin était un piége, et pour y faire tomber ces malheureux, on avait abusé de leurs meilleurs sentiments. Ceci, compris à demi, doublait la surprise et l’horreur de cette scène étrange ; aussi chacun s’efforçait-il de fuir par toutes les issues de la place, excepté celle où le combat était engagé ; le cinglement des fouets, le choc assourdi des massues, le gémissement des blessés, le cri furieux de ceux qui continuaient la lutte, arrivaient de ce côté à travers les ténèbres et accéléraient la course des fuyards.
Un groupe de ceux-ci, tout essoufflés et n’en pouvant plus, se réfugia dans un cul-de-sac ténébreux, pour se donner le temps de reprendre haleine. On n’entendit là, pendant plusieurs secondes, que le bruit des poitrines oppressées et de leurs avides aspirations. Aucun ne distinguait son voisin, et la trahison à laquelle leur bon vouloir les avait exposés les remplissait de mille soupçons. Le premier qui osa parler fut reconnu à sa voix.
« C’est donc toi, Daniel Robson ? lui demanda tout bas l’homme auprès duquel il se trouvait.
— Certainement… Et qui donc serait-ce ?… Si je pouvais me changer, ce serait contre quelqu’un pesant un peu moins de cent quatre-vingts… Je suis littéralement à bout !
— Quelle honte !… et au prochain incendie, qui donc bougera de chez soi ?
— Laissez-moi vous dire, enfants, reprit Daniel encore obligé de parler à bâtons rompus… Nous avons été bien lâches,… ce me semble,… de laisser emmener si facilement ces pauvres garçons.
— Je suis du même avis, » dit une autre voix. Et Daniel continua :
« Nous étions au moins deux cents, et jamais la gang ne compte plus de douze hommes.