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Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/222

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de lui apprendre qui elle était. Plus inutile encore de s’expliquer sur le genre d’affection qui attachait Philip à Sylvia.

Aussi le visage d’Hester se contracta-t-il légèrement, et, pour ainsi dire, en dépit d’elle-même :

« Pourquoi donc, Philip, n’iriez-vous pas à ma place ? lui demanda-t-elle.

— Je ne puis, je ne puis, répliqua-t-il avec impatience… Je donnerais tous les trésors du monde pour pouvoir l’aller chercher et consoler en personne… Mais il y a tant de choses à faire, et pas un homme ici qui veuille m’aider… Vous lui direz, reprit-il sur un ton plus doux et comme frappé d’une idée soudaine, vous lui direz combien j’aurais désiré me rendre auprès d’elle… Si je ne le fais pas, c’est que je n’ai pu conférer encore avec l’avocat… avec l’avocat, vous entendez ?… N’oubliez pas ce détail… Pour rien au monde je ne voudrais qu’elle me crût en ce moment occupé de mes propres affaires… Sois bénie du ciel, Hester… car sans toi, je ne sais ce que j’aurais pu faire, » ajouta-t-il lorsqu’après l’arrivée de la carriole, Hester descendit pour y prendre place, succombant presque sous le poids des manteaux et des couvertures de laine qu’il l’avait suppliée d’emporter avec elle.

Tandis que le véhicule mal suspendu descendait la rue en cahotant, — et aussi longtemps que la jeune fille put voir, à travers le brouillard, la lumière qui émergeait de la porte du magasin, — elle constata que Philip, la tête nue sous la pluie, persistait à la suivre du regard. Mais elle savait bien, elle ne savait que trop, qu’elle n’était pour rien dans cette préoccupation passionnée. Ce regard n’était pas pour elle ; il allait chercher, au fond des ténèbres qu’elle traversait, la personne dont Philip parlait si peu, celle qu’il évitait de nommer.