Au surplus, Kester, nomme-moi ces bavards si obligeants, ajouta-t-elle, s’animant toujours… Je ne leur pardonnerai jamais, voilà tout.
— Encore ! s’écria Kester, qui au fond se sentait à peu près seul responsable de ces propos attribués par lui à la voix publique… Voilà de belles paroles, pour les avoir toujours au bout de la langue ! »
Sylvia se sentit un peu confuse.
« Mon Dieu, Kester, disait-elle, ne peux-tu donc t’expliquer l’amertume de mon cœur ? »
Et comme elle pleurait presque en lui adressant ces paroles, Kester était bien tenté de pleurer aussi. Mais dans ce moment même la voix de Philip se fit entendre, appelant Sylvia.
« Viens, Kester, viens avec moi ! » Et le prenant par le bras, elle l’entraîna vers la maison.
Bell, au moment où ils entrèrent, se souleva sur son grand fauteuil et saluant Kester comme un étranger :
« Charmée de vous voir, monsieur, lui disait-elle… Le maître n’est pas céans, mais il ne tardera pas à rentrer… Vous venez peut-être pour les agneaux ?
— Vous ne voyez donc pas, bonne mère ? dit Sylvia… C’est Kester… Kester avec ses habits du dimanche.
— Au fait c’est lui, c’est Kester… Mais j’ai les yeux si malades… Je suis contente de te revoir, mon garçon… Nous sommes restées longtemps dehors… Mais, vois-tu, ce n’était pas pour notre plaisir… Nous avions une affaire… Il fallait… Tiens, Sylvia, dis-lui ce que c’était… Tout cela m’est sorti de la tête… Je sais seulement que je suis partie d’ici à mon corps défendant, et que je me porterais mieux si j’y étais restée auprès du maître… Mais pourquoi donc n’est-il pas venu au-devant de nous ?… Sans doute, Kester, il est au loin dans les champs ? »
Kester regarda Sylvia comme pour savoir s’il fallait