berceau où dormait la petite Bella. Cette prière, à une heure si avancée du jour, confondait absolument la routine dévote de la rustique suivante.
Ensuite il se leva, se pencha vers l’enfant, et déposa sur son front un long baiser où semblait passer toute son âme.
De là, sur la pointe du pied, il se glissa dans la chambre où couchait sa tante, cette tante qui avait toujours été pour lui une amie fidèle. Il aimait à se dire que l’état actuel de sa raison allait lui épargner bien des chagrins.
Jamais il n’avait songé à revoir Sylvia ; il n’osait affronter la haine et le mépris qu’elle ne manquerait pas de lui témoigner. Mais elle était là, couchée à côté de sa mère, et semblait s’être endormie. Mistress Robson dormait, elle aussi, le visage tourné vers la muraille. Philip ne put s’empêcher de jeter sur sa femme un dernier regard. On eût dit que, même dans son sommeil, elle ne voulait pas le voir ; elle avait la tête inclinée dans le même sens que sa mère, mais il pouvait discerner et les traces de larmes sur ses joues, et le gonflement de ses paupières, et la vibration nerveuse de ses lèvres. Il s’inclina pour baiser sa petite main qui pendait à côté du lit ; mais aussitôt qu’elle se sentit effleurer par sa chaude haleine, cette main se retira vivement et un frisson passa tout le long du corps étendu.
Il comprit alors que Sylvia ne dormait pas, et que simplement elle gisait là, comme écrasée sous son fardeau de misères, — de ces misères qu’il avait à se reprocher.
Un soupir profond sortit de ses lèvres ; mais il quitta la chambre, descendit l’escalier, et avant de s’éloigner pour toujours, se hasarda seulement à rentrer dans le salon. Il y avait là deux silhouettes, — celle de Sylvia et la sienne, — exécutées pendant le premier mois de leur mariage par quelque « artiste » errant (si toutefois ce n’est pas profaner ce mot). Elles étaient accrochées au