Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/58

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t’occuper autant d’elle… Je me figure parfois que tu la fatigues par tes regards et tes attentions… Montre un cœur plus viril… Feins d’avoir bien autre chose à penser, et sois sûr qu’en ne te voyant plus rôder sans cesse autour d’elle, l’enfant s’occupera de toi plus volontiers… Attention, cependant ; il me semble reconnaître son pas !… Cache ces papiers, cache-les vite !… Je ne veux pas l’attrister en lui laissant voir de quoi je m’occupe… Nous reprendrons la chose au premier dimanche, et, d’ici là, peut-être aurai-je trouvé ce qu’il pourrait convenir de laisser au cousin John et au cousin Jeremy. »

Hester, nous l’avons dit, s’était arrêtée une minute ou deux avant de lever le loquet de la porte. Lorsqu’elle entra, tout vestige d’écriture avait disparu. Will Coulson, seulement, était rouge comme un coquelicot, et aspirait à longs traits la feuille de géranium qu’il tenait broyée entre ses doigts.

L’air animé, l’apparence de sérénité qu’Hester avait voulu se donner au moment de sa rentrée, disparurent bientôt avec la faible rougeur que la marche avait appelée sur ses joues, et le perspicace regard de sa vieille mère ne fut pas longtemps à démêler ces indices presque imperceptibles du souci qui la rongeait. Aussi se hâta-t-elle, pour distraire sa fille, de l’accabler de questions. Le thé vint ensuite, avec les mille petits soins qu’il exige. Il fut servi pour quatre personnes, et lorsque, — la tête inclinée pendant une minute ou deux, — ils eurent prononcé au dedans d’eux-mêmes la prière d’action de grâces que les autres chrétiens font à voix haute, Alice hasarda une observation sans portée apparente, mais qui lui était dictée, néanmoins, par sa vive sympathie pour le chagrin auquel sa fille semblait en proie.

« Philip aurait dû rentrer pour l’heure du thé… Je suppose qu’il n’est pas en ville, » disait-elle avec une irritation soigneusement contenue.