Page:Gaskell Craik - Trois histoires d amour.djvu/176

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Assurément, lord Erlistoun avait passé une ennuyeuse journée. Mon père, intelligent et sage, qui ne voulait ni faire parade de son visiteur titré, ni obliger des classes hétérogènes à se mélanger contre leur gré, avait tenu à laisser son hôte entièrement libre de se classer lui-même, et de se mêler à la société autant ou aussi peu qu’il lui conviendrait. Peut-être pour le repos de leur esprit, sinon pour l’honneur de leur sagacité, quelques-uns de nos bons parents ne savaient-ils même pas que ce jeune homme, qui restait si tranquillement dans un coin et qui parlait si peu, fût Nugent, baron Erlistoun.

— Demandez-lui de jouer aux échecs avec vous, dit Jeanne en passant près de moi pour aller au piano. Quelques vieilles gens avaient demandé à Jeanne de chanter ses chansons de l’ancien temps.

J’en avais eu l’intention ; nous nous trouvâmes donc assis face à face pour nous livrer un combat en miniature.

Je voudrais lui rendre justice comme je cherchai à le faire ce soir-là. Je n’avais jamais vu un plus beau visage, il n’y avait pas un seul trait vulgaire. Il y avait quelque chose d’élégant jusque dans sa manière de jouer aux échecs, de manier avec hésitation un pauvre pion de cette main blanche et effilée, ornée d’une bague de grande