Page:Gaskell Craik - Trois histoires d amour.djvu/178

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Il se pencha sur le dossier de son fauteuil, et nous commençâmes une autre partie dans le solennel silence des joueurs d’échecs, sans nous laisser même déranger par les chants de Jeanne.

Elle chantait rarement en public à Lythwaite-Hall. Ou bien cela lui déplaisait, ou bien son goût musical était trop arriéré pour nos élégants amis. Cette fois, il allait au cœur. C’étaient les chants populaires animés comme la vie populaire, passionnés ou tendres, gais ou tristes, mais toujours remplis de vie et d’ardeur. On plaignait un temps trop raffiné pour les comprendre.

— Vous aimez la musique, lord Erlistoun ?

— Oui. Il fallait entendre, l’hiver dernier, chanter Ernani à la Scala. C’était superbe.

— J’ai mauvais goût en fait de musique. J’aime mieux une ballade anglaise ou écossaise qu’une douzaine d’opéras.

— Chacun a son goût, dit lord Erlistoun en souriant.

Jeanne reprit, comme une alouette au haut d’un arbre, une de ces ballades de tous les temps : Robin Adair, Hunting tower ou la Maison d’Airly. J’étais très ému de la voir, de l’entendre, le cœur dans la voix et dans les yeux, ce noble cœur de femme. Je ne pouvais plus jouer aux échecs. Lord Erlistoun pouvait jouer apparemment, car il gagna.