Page:Gaskell Craik - Trois histoires d amour.djvu/307

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— Vous me méprisez ! oh ! Jeanne !

À l’angoisse de sa voix, le sang-froid de Jeanne disparut à l’instant.

— Non, non, ce n’est pas votre faute ; j’aurais dû le prévoir, j’étais une femme et vous un enfant ; il était naturel, il était presque juste que vous changeassiez.

Elle s’agenouilla près de la table, sur laquelle il était appuyé, la tête cachée dans ses mains.

— Je ne voulais pas vous faire tant de peine, Nugent ! Nugent !

— Vous me méprisez, répéta-t-il, et vous avez raison, car je me méprise moi-même. Non, Jeanne, je ne peux pas vous dire un mensonge, je ne vous aime plus… de cette façon.

Peut-être la vérité restée jusqu’alors sans confirmation verbale ne l’avait-elle pas encore atteinte au cœur avec cette netteté inexorable ; Jeanne frissonna légèrement.

Lord Erlistoun continua avec passion :

— Je ne sais pas comment cela se fait, je ne me reconnais pas du tout ; mais c’est le fait. Depuis six mois, je suis un lâche et un hypocrite ; chaque jour a été pour moi une torture. Pour y échapper, j’allais me condamner à l’hypocrisie pour toute ma vie. Jeanne, ne me méprisez pas, plaignez-moi !