Page:Gaskell Craik - Trois histoires d amour.djvu/309

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Il resta encore quelques instants, la tête appuyée sur le dossier du canapé, tandis que Jeanne le regardait. Quel regard que le sien ! Ce n’était pas de l’amour, mais une tendresse ineffable, comme celle d’une mère pour un enfant malade. Le passion se consume ; l’attachement personnel s’en va, le besoin de la propriété personnelle disparaît complètement ; mais la tendresse qu’on garde pour ce qu’on a aimé une fois reste, je crois, indestructible. Honte à l’homme ou à la femme qui pourraient désirer qu’il en fût autrement, car, en tuant cette tendresse, on tuerait la foi à l’amour même, et douter de l’amour est la mort de l’âme !

Lord Erlistoun se leva. Jeanne dit qu’elle ferait quelques pas avec lui et il se rassit sans une parole. Il semblait se laisser guider complètement par elle. Une fois seulement, comme si quelque pensée irritante ne voulait pas se laisser dompter, je l’entendis qui murmurait :

— C’est inutile, je n’y puis consentir. Il ne faut pas le lui dire.

— Il le faut, c’est un devoir. Rien n’est plus fatal en amour qu’un secret. Il faut que je lui dise tout.

— Jeanne !

— Vous n’avez pas peur de moi, de moi, Nugent ?