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Page:Gaskell Craik - Trois histoires d amour.djvu/60

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près duquel Suzanne s’arrêta. Mais elle alla tout droit au lit, ouvrit le rideau et vit Lisette, mais non son ancienne Lisette, gaie, fraîche, innocente. La Lisette qu’elle avait devant les yeux était vieille avant le temps, sa beauté avait disparu, des traces profondes de souffrance et de misère, hélas ! étaient imprimées sur les joues si rondes, si fraîches, si unies, lorsque pour la dernière fois elle avait réjoui le regard de sa mère. Jusque dans son sommeil, elle portait les marques de la douleur et du désespoir qui étaient l’expression ordinaire de son visage ; même dans son sommeil, elle ne savait plus sourire. Mais toutes les traces du péché et du chagrin qu’elle avait traversés lui attiraient d’autant plus sûrement le cœur de sa mère. Elle restait là, la contemplant d’un œil avide, comme si elle ne pouvait rassasier sa soif de la voir ; enfin, elle se pencha et baisa la main pâle et rude qui pendait sur le couvrepied. Ce mouvement ne troubla point le sommeil de Lisette, sa mère n’avait pas besoin de poser si doucement sa main sur le lit. Elle ne donnait aucun signe de vie ; seulement, de temps à autre, un profond soupir s’échappait de ses lèvres comme un sanglot. Madame Leigh s’assit près du lit, et tenant le rideau, elle regardait toujours comme si elle ne pouvait se satisfaire.