Page:Gasquet - L’Enfant, 1900.djvu/23

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Sous le ciel gris les pins humides de la lande
Et les chênes cuivrés, moins tristes, mais plus beaux,
Se souviennent encor de nous… La terre est grande,
Dans la bruyère en fleurs ont passé les troupeaux
Pourtant, le vent d’automne a dépouillé les branches,
Et rien n’est demeuré semblable à nous… Berceaux
De lilas balancés au fond des combes blanches,
Je voudrais retrouver, ce soir, votre fraîcheur.
La terre est grande et rien n’y reste du bonheur.

 
De la saison qui meurt, toi, tu n’es pas jalouse,
Tu ne regrettes rien de ce qui nous fut cher.
Les matins de décembre ont glacé la pelouse,
Mais tout le bel été, ton sûr instinct d’épouse
Te dit qu’au fond de toi, malgré le rude hiver,
Il s’éveille, il renaît peut-être dans ta chair.
Ah ! prends-moi dans tes bras, prends-moi, la flamme baisse,
Dis-moi tout le secret de tes entrailles, laisse
La lampe doucement s’éteindre, le miroir
S’est endormi déjà sous sa vieille guirlande,
Il ne te verra pas rougir, je veux savoir
Ce qu’ont mis dans ton sang les parfums de la lande.